Jacques Derégnaucourt compositeur

Henri Dutilleux / compositeur.

«Que pourrais-je vous dire, sinon que vos œuvres me semblent témoigner pour la plupart des qualités les plus précieuses. «L'imagination, reine des facultés» écrivait Baudelaire. Je ne doute pas que vous ayez ce don et je vous adresse mes meilleurs souhaits pour vos prochains travaux.»

Paris, le 2 mai 1999

 

Jean-Sébastien Béreau /
chef d’orchestre et professeur.

J’ai, pendant de nombreuses années, créé les œuvres de nombreux compositeurs. Avec le recul, il m’apparaît aujourd’hui que peu d’entre eux m’ont laissé un souvenir musical… trois ou quatre, peut-être, guère plus !

J’ai le sentiment que ce qu’ils cherchaient, leur but essentiel, était de parler un langage nouveau, exempt de toute influence, de tout parrainage, d’utiliser avant tout des « mots » jamais employés. Le résultat, paradoxal, était que toutes ces musiques se ressemblaient et que bien peu exprimaient vraiment quelque chose !

Quand j’ai rencontré la musique de Jacques Derégnaucourt j’eus l’impression de ne pas découvrir seulement un langage, mais d’être en présence d’un véritable compositeur. Je me suis senti attiré par un univers très profondément poétique où se marient étroitement un langage électronique très élaboré, très raffiné, et une partie instrumentale claire, directe, qui gardait ce qui me parait nécessaire dans toute musique de ce type : « le plaisir du joué ».

Chaque œuvre nouvelle de Jacques Derégnaucourt me semble résulter de l’œuvre précédente, tout naturellement, comme si le chemin de ce compositeur était tracé devant lui d’une manière inéluctable et qu’il le suivait tels ces explorateurs portugais des XVe et XVIe siècles, sans dévier d’une ligne, le regard fixé sur des étoiles connues de lui seul.

J’ai, en moi, la plus intime conviction que nous sommes en présence d’un très grand auteur.

Lisboa le 15 septembre 2004

 

Cristal Lake / album Migrations

Plus encore que Conrad Schnitzler, Kiodyssea se veut une aventure au coeur du son. Le duo composé de Jacques Derégnaucourt et de Shamail Matra mêle voix, violons et percussions pour créer une musique plongée dans l'expérimental. Jacques Derégnaucourt est pour mémoire le violoniste de Lightwave sur Tycho Brahé. Il utilise ici son instrument de façon quelque peu inhabituelle, celui-ci virevolte et perd ses "cris" dans les réverbérations spatiales. Migrations est un disque difficile d'accès par les choix délibérés des musiciens, et ne s'adresse qu'aux amateurs d'expérimentations assez poussées, même si quelques passages sont plus "sereins".

Lisboa le 15 septembre 2004

Guts of Darkness / critique sur le site

Après le splendide "Vox in vitro" de Michel Redolfi, voici la seconde grande découverte en matière de musique concrète qu'il m'ait été donné de faire grâce au label de Radio-France. Sous le nom de "Kiodyssea" se cache Jacques Derégnaucourt, violoniste et compositeur concret qui nous fait basculer par le biais de ce projet dans un univers sonore d'une beauté plastique, d'une homogénéïté, d'une cohérence et d'un pouvoir de suggestion assez inouïs. Loin de tout formalisme et de toute intellectualistaion, nous sommes véritablement ici dans le domaine du rêve, d'une "poétique" du son, au sens étymologique de ce terme : l'artisanat, la fabrication patiente...

Jacques Derégnaucourt n'utilise pas d'ordinateur, tout comme Pierre Henry, il préfère s'attacher au sculptage manuel d'une matière sonore brute mais en elle-même fascinante, pour la transfigurer, pour lui faire suivre un cheminement d'impressions.

D'autre part, le Français a recours à deux autres instruments fascinants, eux aussi "traités" : son violon, tout d'abord, dont les errements dissonants, les envolées lyriques, les pluies de pizzicati ou les grincements sinistres, s'intègrent parfaitement à cet univers, lui ajoutant une dimension supplémentaire ; ensuite, sa voix : eh oui, Jacques Derégnaucourt chante, ou plutôt il ulule dans des registres suraigus, en voix de tête, comme pour faire planer de mystérieuses incantations sacrées sur un rite dont nous n'avons pas la clef.

Autre atout, et véritable gage de réussite : "Les océans de Psyché" suscitent, tout au long de leur déroulement, des images nombreuses et multiples, des impressions quasi-picturales (on pense souvent à Dutilleux), tantôt d'une dureté minérale tantôt d'une douceur aquatique, les couleurs ne cessent de s'y mêler dans une profusion indescriptible. Il n'est pas faux de dire que dans sa chaleur et son abstraction, dans son mouvement et ses nuances de lumière, cette oeuvre nous offre presque un équivalent musical aux Nymphéas de Monet. Une grande et fascinante réussite.

22 janvier 2006.

 

Ensemble Musika

Ce brillant violoniste s'est inscrit il y a plusieurs années dans une démarche de composition appelée Kiodyssea. Chercheur infatigable de nouvelles sonorités, il a su associer avec brio les instruments "classiques" aux possibilités des nouvelles technologies. Véritable alchimiste, il tire du plus profond de son violon une quintessence sonore inavouée, qu'il enrichira du travail de sa voix.

Après "Les visages du vertige" œuvre créée en 1996, Jacques Derégnaucourt répond encore avec enthousiasme à la commande des étudiants, et compose en 1998 une pièce pour violon-voix, ensemble à cordes et percussion, "Par delà l'illusion en ces terres inconnues".